[:fr]La vie d’une personne handicapée est remplie d’obstacles et de défis de toutes sortes mais elle peut aussi être remplie de joies et de bonheur. On peut choisir de la vivre ou de la subir. J’ai choisi de la vivre du mieux que je peux.
On dit que l’espoir peut déplacer les montagnes ! C’est ça qui fait qu’à chaque matin j’ai envie de me lever et d’entamer une nouvelle journée, et qui met le sourire sur le visage. La technologie évoluant à une telle vitesse, j’ai toujours gardé espoir qu’en me faisant soigner je parviendrai un jour à marcher. A chaque étape de ma vie c’est l’espoir qui me porte et me propulse vers l’avant. Par exemple, quand j’ai réussi le concours d’entrée au secondaire, je visionnais déjà une belle vie qui m’attendait, un beau travail, une autonomie, etc. Quand on ne s’accroche à rien, il peut être difficile d’avancer.
Très jeune j’ai attrapé la polio, et très vite j’ai eu conscience que j’étais différente des autres. Parfois je me cachais devant des étrangers. En grandissant j’arrivais à oublier la différence si ce n’était les regards des gens, les commentaires qui vont avec…
J’ai rencontré beaucoup de défis dès l’entrée à l’école primaire. Les déplacements de la maison vers l’école étaient pénibles, je trainais toujours derrière les autres. J’ai expérimenté beaucoup de solitudes, je pouvais difficilement participer aux jeux pendant les récréations, et nous savons tous que les amitiés se tissent autour des jeux quand on est encore enfant.
Tout au long de mes études, les mêmes problèmes de solitude, des problèmes de dépendance aux autres. Je dépendais aux autres pour faire le lit, pour porter mes cahiers pour aller au cours, et dans bien d’autres choses. L’infantilisation des personnes handicapées est un autre problème. Je souhaitais étudier les lettres modernes ou la psychologie, mais les responsables de mon école ne me voyaient que dans un secrétariat parce que là je peux travailler en position assise. Ils ont donc choisi pour moi sans tenir compte de mes choix ni de mes forces. Le droit au libre choix n’est-il réservé qu’à une certaine catégorie? Les infrastructures non accessibles, les marches dans les salles de classe ; les toilettes inaccessibles, etc., sont aussi des problèmes auxquels je devais faire face.
Le marché du travail est un défi de taille pour les personnes en situation de handicap. Trouver du travail quand on est une personne en situation de handicap est très compliqué, et quand on finit par en trouver un, la personne en situation de handicap se heurte à de nombreux obstacles dans le milieu du travail, que garder cet emploi tient d’un miracle. La vulnérabilité des personnes en situation de handicap les expose souvent aux problèmes de violences (verbales surtout) et cela crée un sentiment d’infériorité et d’insécurité qui peut pousser à abandonner le travail. C’est ce que j’ai vécu, mais ce qui a été plus dure pour moi, ce sont des mots rabaissants, des préjugés, des regards qui te disent que tu n’es pas à ta place. J’ai vécu tout cela au moins à deux places. Évoluer dans ce genre de frustrations devient à la longue problématique et peut mener à des problèmes de santé mentale. Dans ce cas il devient difficile de parler de l’égalité de chance.
Les personnes en situation de handicap sont les plus instables dans leurs carrières et les plus pauvres. Néanmoins, elles aspirent comme tout le monde à l’autonomie et à la réalisation de soi.
La vie d’une personne handicapée, c’est parfois renoncer à certains rêves qui sont à la portée de tout un chacun mais qui semblent inatteignables pour les personnes en situation de handicap. Devant la dure réalité qui me prive des petits bonheurs, tels que marcher en tenant la main à mon enfant ; jouer dehors avec mon enfant, assister à ses spectacles, danser, etc., j’ai pris la décision de ne plus m’en faire avec les choses sur lesquelles je n’ai aucune emprise. On peut se trouver des petits trucs qui peuvent aider à se sentir confortable dans ce que l’on peut faire, et constituer notre propre bonheur avec les moyens que l’on a.
A chaque étape de la vie des personnes en situation de handicap, il serait important de se fixer des petits buts et de se donner les moyens de les atteindre. Ce n’est pas facile car on marche à contre vent, les commentaires des gens, le regard des autres peuvent parfois être déroutants. On peut facilement abandonner quand on se fait dire qu’aller à l’école c’est peine perdue car personne ne voudra engager une personne handicapée.
A un moment donné, on arrête de s’en faire avec le handicap pour mieux se focaliser sur notre avenir. Ma première décision a été d’arrêter les séances de physiothérapie et de kinésithérapie pour me concentrer sur les études. Je commence à accepter que ce soit correct si je ne peux pas fonctionner au rythme des autres ; qu’il y a des choses que je ne peux faire seule, etc, mais que ce que je peux faire, je le ferai bien. Les problèmes restent entiers, mais j’ai pris la décision de ne pas laisser le handicap rythmer ta vie.
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Du fond du coeur, nous vous remercions de votre témoignage. Nous admirons votre courage, votre détermination, votre positivité et votre générosité! Vous êtes une femme inspirante! Merci encore milles fois![:]